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Entre l’humain et le système : Naviguer les paradoxes du monde professionnel

Dans mon bureau, le soleil de mai caresse les murs. Une tasse de thé refroidit doucement tandis que je contemple les échos des rencontres qui ont rythmé ma journée.

Aujourd’hui, deux femmes aux parcours distincts mais aux blessures similaires : une graphiste de 57 ans brutalement congédiée après des années de loyaux services, et une jeune agente polyvalente en maladie professionnelle, cherchant à se réinventer comme assistante maternelle.

 

“There is a crack in everything, that’s how the light gets in.”  – Leonard Cohen

Miroirs de nos tensions intérieures

Ces rencontres ne sont pas anodines. Jung nous rappellerait qu’elles sont des miroirs, des manifestations de notre propre inconscient collectif. Elles me renvoient à mes propres tensions, mes propres paradoxes.

La graphiste évoque immédiatement en moi cette part créative que j’ai toujours chérie – cet espace sacré où l’humain exprime sa singularité. Mais elle me rappelle aussi comment notre monde transforme cette singularité en commodity, comment Canva et l’IA réduisent progressivement ce qui était autrefois l’expression d’une sensibilité unique à un simple produit standardisé.

L’agente polyvalente, elle, me parle de ces environnements professionnels de la grande distribution où la pression devient insoutenable, où les êtres humains sont traités comme des mécaniques, où la performance éclipse l’âme.

 

L’absurdité silencieuse

N’est-il pas étrange que nous acceptions collectivement un système qui broie précisément ce qui fait sa richesse – notre humanité ? Comment des consultants en orientation et reclassement peuvent-ils prétendre « accompagner » 142 personnes par jour ? Comment avons-nous normalisé cette industrialisation de la détresse ?

Je me souviens de cette consultante en Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) qui devait aider l’infographe dans sa transition. Les yeux rivés sur ses indicateurs de performance, elle n’entendait pas les appels à l’aide. Elle ne voyait pas la personne. Le tableau de bord était devenu plus réel que l’être humain en face. En entreprise, c’est pareil. Les tableaux de bord sont devenus les repères mécaniques et rationnels.

LinkedIn n’est-il pas devenu le paroxysme de cette absurdité ? Un espace où l’on nous invite à nous « vendre » comme des produits, à formater notre unicité en fonction des algorithmes, à transformer notre humanité en marchandise. ET pourtant, j’y souscris. Je propose également des formations et accompagnements sur la marque personnelle, et sur l’optimisation d’un profil LinkedIn. Parce qu’il « faut faire avec son temps » et qu’il faut « répondre aux besoins de ses clients ». Alors, où se trouve l’espace d’expression de la singularité ? Comment peut s’exprimer la diversité ?

 

Vulnérabilité et lucidité

Ces observations me placent dans un espace inconfortable de vulnérabilité. Car je ne suis pas en dehors de ce système. J’y participe. J’y navigue. Parfois je m’y adapte.

La question qui me hante : jusqu’où peut-on s’adapter sans se trahir? À quel moment la nécessité de gagner sa vie devient-elle une forme de prostitution de nos valeurs les plus fondamentales?

Cette vulnérabilité exige une lucidité constante. Une conscience aiguë de mes choix, de leurs implications, de leurs limites. Je ne peux pas vivre en ermite, détachée d’un monde auquel j’appartiens fondamentalement. Je ne peux pas non plus m’y fondre sans questionnement.

 

Observer le système dont nous faisons partie

La physique quantique nous enseigne qu’un observateur influence inévitablement le système qu’il observe (1). N’en va-t-il pas de même pour notre rapport au monde professionnel? Je ne suis pas une observatrice neutre. Je suis en prise directe avec ce système que je questionne.

Cette position n’est pas confortable, mais elle est féconde. Car c’est précisément dans cette tension, dans ce paradoxe non résolu, que naît une autre possibilité.

 

Une brèche dans le paradigme

Ces blessures que je rencontre chez les autres, et qui résonnent avec les miennes, ne sont pas simplement des cicatrices. Elles sont, en creux, la source de mes valeurs les plus profondes. Elles m’indiquent ce qui compte vraiment.

Mon choix se porte résolument du côté de l’humanité. Non pas que je rejette la performance ou l’efficacité – ce serait créer une nouvelle fragmentation artificielle. Non pas que je me considère comme ayant une nature plus « sociale » que d’autres – ce serait perpétuer la division entre ceux qui seraient « humains » et les autres.

Ce qui est en jeu est bien plus fondamental: comment rester entier dans un monde qui nous invite constamment à nous fragmenter? Comment honorer cette part sensible sans laquelle nous tournons en rond, prisonniers de solutions obsolètes?

Pour moi, c’est l’art – la photographie en particulier – qui constitue cet espace salvateur où l’être peut se reconnecter à sa profondeur. Un espace où l’efficacité n’est plus la mesure de toute chose, où le temps s’étire différemment, où l’attention portée au détail devient une forme de méditation.

 

Un questionnement sans fin

Je n’ai pas de réponses définitives à offrir – seulement des questions à partager. Des questions qui m’habitent quand j’accompagne ces personnes en transition, quand je les vois lutter pour préserver leur dignité dans un système qui semble parfois l’ignorer.

Ce questionnement est peut-être, en lui-même, une forme de résistance. Une façon de maintenir ouvert cet espace où l’humain, dans toute sa complexité, peut encore respirer.

Et vous, quels sont les paradoxes qui vous habitent dans votre vie professionnelle ? Quels sont ces espaces où vous sentez que quelque chose d’essentiel est en jeu ?

 


Pour aller plus loin

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(1) Bien que la question de l’influence de l’observateur sur un système quantique est centrale en mécanique quantique et suscite de nombreux débats, voici une vidéo sur le sujet « l’effet observateur en mécanique quantique » de Michel Devoret (Applied Physics, Yale University) : https://youtu.be/4CCoKKX3ic8

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